Identités et réalités numériques
Quels futurs pour les nouvelles générations ?
Laurent CHRÉTIEN, Hervé ÉTIENNE et Miguel BENASAYAG aborderont tout au long de cette journée leur approche sur le sujet.
Description des contenus de la journée
Laurent CHRÉTIEN : “Métavers et mondes virtuels : définitions, applications et implications sur l’identité
Le principe pédagogique de Laurent CHRÉTIEN est : “pour que la journée soit claire, il est essentiel de démarrer par poser le sens des mots que nous allons utiliser, pour bien les comprendre : réalité virtuelle, augmentée, mixte, mondes virtuels et MÉTAVERS, CHAT GPT ou OPEN AI,… ” des acceptions qui sont encore floues, et à juste titre !
Nous verrons avec lui pourquoi et nous effacerons ensuite ces technologies derrière leurs usages : les applications d’aujourd’hui dans nos vies professionnelles ou privées, les champs des possibles, en se projetant sur leurs bénéfices, leurs dangers et en tentant de cerner leur raison d’être. Nous verrons enfin comment ces technologies et leurs usages impactent notre relation à l’identité : la nôtre évidemment, celle des autres, pris individuellement ou collectivement, avec au cœur de cette perturbation identitaire, le questionnement « réalitaire », et la problématique du «vol d’identité ».
Hervé ÉTIENNE : “Le social est-il créateur de mondes alternatifs ?”
Hervé ÉTIENNE, psychosociologue, commencera par l’exploration des biais perceptifs car notre perception du monde et de la réalité passe à travers ce que Pierre BAYARD appelle des « biais perceptifs ». Ces perceptions conditionnent comment nous allons recevoir des informations, des sentiments ou des émotions. Ce sont ces perceptions à priori qui accueillent notre écoute et nos ressentis.
En psychanalyse on parle de monde interne et de réalité externe. L’univers interne et le monde externe sont déjà les premiers mondes parallèles avec lesquels nous vivons. Après cette exploration des biais perceptifs dont nous ne sommes pas souvent conscients, en s’appuyant sur Eva ILLOUZ, il nous accompagnera à saisir comment les émotions peuvent être manipulées et comment une réalité parallèle devient le monde réel.
Sa conclusion s’appuiera sur le roman de Javier CERCAS qui nous raconte l’histoire de Enric MARCO dans son ouvrage «L’imposteur». Son incroyable imposture fut découverte en 2005 par un historien.
Miguel BENASAYAG : “Complexité et nouvelles technologies: enjeux et défis des processus de ré-individuation”
Pour le philosophe Miguel BENASAYAG, la clé de voûte de la réflexion de cette journée se positionne dans le corps qui détermine la singularité du vivant, reposant sur la différence radicale entre le fonctionnement et l’existence.
« L’existence ne peut pas se passer des fonctionnements
mais elle ne peut non plus être réduite et se soumettre au fonctionnement. »
L’intelligence humaine est au service de la production de sens qui est à la base de l’existence humaine, et pour cette raison épistémologique, elle n’est pas pensable en dehors de tous les autres processus cérébraux et corporels de l’être humain (l’affectivité, la corporéité, la mémoire, le plaisir, le désir et donc l’erreur et la conscience), car pour être intelligent, il faut un corps, dont la machine en est privée.
L’intelligence artificielle produit des calculs et des prédictions hors de tout sens car elle ne peut pas le créer. La délégation de tout un ensemble de fonctions cognitives et sociales à la machine produit une diminution ou une atrophie de nos fonctions intellectuelles et sociales, probablement réversible, à condition d’en devenir conscient et de changer de posture dans l’utilisation des technologies. La « foi naïve » dans les technologies pour l’anthropologue Miguel BENASAYAG dérive du même élan émancipateur occidental qui avait investi la raison de la toute-puissance de l’individu pour devenir sujet face à la communauté. Dans l’évolution de cette émancipation, et dans ses récents et blessants échecs, le mythe du rationalisme cherche à « renaître de ses cendres en investissant le domaine de l’informatique ». Et le prix de cette délégation massive est, elle aussi, épistémologique car il est inscrit sur l’autre caractéristique du rationalisme : « il évacue tous les éléments de la réalité qui ne peuvent pas être modélisés de façon quantitative ». Ou au moins ceci est le risque déjà en acte aujourd’hui autant dans la gestion des démocraties que dans la vie quotidienne de tous les citoyens.
« La violence de la digitalisation ne réside donc pas dans un quelconque projet de domination, mais plutôt dans la négation de toutes formes d’altérités et d’identités singulières qui laisse place à une dimension de la pure abstraction. Ce qui, dans le territoire (la réalité des corps, des écosystèmes…), résistait aux tentatives de modélisation, devient ainsi, dans le monde des modèles digitaux, du “bruit dans le système”.»
Miguel BENASAYAG, la tyrannie des algorithmes, conversation avec régis meyran, © éditions textuel, 2019
Ceci est le point de départ (ou d’arrivée) de la pensée du psychanalyste Miguel BENASAYAG, et notre réflexion portera sur la description, la compréhension et le sens de ce risque et les solutions possibles, tout particulièrement en psychothérapie, en cherchant de découvrir et dialoguer avec cette altérité numérique qui nous possède et envahi malgré nous, grâce à nous.
Informations pratiques
La journée est organisée en présentiel et également diffusée en visioconférence via zoom accessible par lien envoyé à tous les inscrits. L’enregistrement sera aussi disponible en replay.
Entrée gratuite pour les étudiants avec justificatif et à jour de la cotisation IAAP 2023 de 10€
Entrée 20€ accessible aux membres et public en présence (places limitées, inscription nécessaire) et à distance